46 Okunen Monogatari : The Shinkaron
Il y a peu, sur ce site que j’affectionne tant, un message d’un nouveau membre, Kharmal, est passé et questionnait la notion de canonicité dans l’univers de Dragon Quest (http://dragonquest-fan.com/forum/index.php?subjectID=14682#401928). Cet exercice est tout ce qu’il y a de plus sain, et devrait (à mes yeux) être appliqué plus souvent dans beaucoup d’œuvres.
-
Qu’est-ce que le canon ?
Je me suis récemment moi-même demandé quelle était la limite du canon de Dragon Quest. Est-ce que tout ne s’arrête qu’à cette série, ou bien, comme d’autres œuvres (Le Hobbit et le Seigneur des Anneaux, Drakengard et NieR, Final Fantasy XII et Vagrant Story ainsi que FF Tactics…) l’univers peut s’étendre à d’autres format, jeux etc ?
Afin de bien définir ce qu’est le canon, et d’aller plus loin, mes avis qu’une ré-explication du terme peut être utile.
Le mot canon, qui vient du grec κανών / kanôn (lui-même emprunté à l'hébreu qaneh (« roseau, mesure, canne »)) signifie « règle, modèle ». Au IIe siècle, le mot passe dans le milieu chrétien et désigne l'ensemble des textes considérés comme sacrés et, d'une façon générale, tout ce qui a trait au culte y compris l'art sacré ou la liste des livres de la Bible considérés comme authentiques par les communautés croyantes.
Cette définition, se basant avant tout sur le canon chrétiens (car étant le plus proche du canon de la fiction) est, à mes yeux, la base du questionnement, car il convient alors de dire qui est responsable de ce qui est canon. Est-ce Yuji Horii, le grand manitou derrière Dragon Quest ? Ou bien est-ce Enix, la société qui publiait les premiers jeux, avant de devenir Square Enix ?
Si l’implication de Horii dans la création de DraQue est bien évidemment indéniable, et que son implication dans le moindre jeu ou même sa supervision d’un manga (comme Emblem of Roto par exemple, ou encore le roman Seirei Rubiss Densetsu) peut suffire à rendre son contenu « canon » aux yeux de beaucoup (dont moi-même !), au final c’est bien Enix/Square Enix qui a le dernier mot sur les jeux.
-
De la multiplicité des canons
Et de cet état de fait, découle une première problématique, qui va très vite et très facilement se multiplier. Est-ce que, le jour où Horii ne fera plus parti de SQ, les futurs DQ seront toujours canon ? Ou dit autrement, est-ce que Horii, le créateur et tête pensante dans les projets DQ jusqu’à présent, est le seul à pouvoir officialiser, ou rendre « canonique » du contenu, ou est-ce que cette décision peut revenir à Enix/SQ ?
Suivant votre réponse à cette première question, l’on se rendra compte que considérer tout ce que Horii fait peut être un premier canon. Le Canon selon Horii contiendra donc tous les jeux et autres œuvres que le Maître aura signé, ou supervisé ou rendu canon à ses yeux, là où le canon selon Enix/SQ contiendra tout ce qui peut être estampillé DQ de près ou de loin, avec ou sans la participation de Horii. On peut penser par exemple, au ballet Dragon Quest, mais également aux divers Game Books publiés par Enix à l’époque, aux versions romancées des jeux, les CD audio etc.
D’autres même, pourront ne considérer comme canon que les jeux, omettant de facto tout ce qui sera manga, romans ou autres livres se déroulant dans l’univers DQ, d’autre écartant même les jeux qui ne sont pas numérotés du « canon ».
Ces visions, si je ne les partage pas forcément, doivent, à mes yeux, exister. Déjà, parce que pour le moment il n’existe pas de canon officiel, comme pourrait l’être le canon Star Wars ou le canon Zelda (la liste des jeux canoniques étant connue depuis maintenant longtemps, les autres ne faisant pas parti de l’histoire officielle de la saga).
-
De la malléabilité du canon
Ces deux parties, vous vous en doutez, doivent bien finir un jour par revenir au titre de cet article. 46 Okunen Monogatari: The Shinkaron, qu’est-ce que c’est ?
46 Okunen Monogatari: The Shinkaron (46億年物語 -THE 進化論, Histoire de 4,6 milliards d'années - La théorie de l'évolution en français) est un jeu vidéo sorti en 1990 sur PC-98, uniquement au Japon (mais le jeu est disponible en anglais via un patch depuis 2017 ndlr.) et distribué par Enix.
Le jeu propose de suivre un ou une protagoniste (le genre n’est pas mentionné dans le jeu), choisi par Gaia pour combattre, à différentes époques de la Terre, Lucifer (une démone se nourrissant de la destruction de planète qu’elle cause régulièrement). Si le pitch n’a que peu de rapport avec Dragon Quest j’en conviens, plusieurs détails rendent ce jeu plutôt intéressant à mes yeux.
En effet, le jeu, à la manière d’un Chrono Trigger ou d’un NieR, offre de nombreuses fins différentes en fonction des Game Over du joueur ou de ses actions dans le jeu. L’une de ces fins permet d’affronter, lors du troisième chapitre, un reptile s’approchant d’un dragon qui se met à jouer l’ouverture de Dragon Quest (https://youtu.be/Iud8Uaa-Fnk?t=263). Dans ce même chapitre, si l’on laisse la substance verte tuer le personnage que l’on joue, ce dernier se verra corrompre et se transformera en ce qui ressemble beaucoup à un Gluanbulle, que l’on voit dans un donjon prêt à se faire affronter par deux aventuriers.
Toutes ces fins, à travers ces six différents chapitres, permettent de voir différents destins pour le protagoniste mais également pour « l’humanité ». Dans un de ces futurs que l’on peut voir, on peut également voir certains personnages aux allures familières pour qui a lu le chapitre 1 de Dragon Quest: Item Monogatari (disponible dans ce lien !).
Ces illustrations, reprises parfois à l’identique, parfois légèrement modifiées, la musique de Dragon Quest, la fin transformant le protagoniste en simili-Gluanbulle… Difficile, à mes yeux, de ne pas voir en ce jeu une sorte de lointain cousin de Dragon Quest, car si Horii et Enix n’ont pas participé à la conception du jeu, la parenté avec DraQue est bien présente in-game, de par tous ces éléments.
-
Conclusion
Ce qui relève du canon d’une œuvre est toujours amené à changer. Star Wars reste l’un des meilleurs exemples modernes, le pan appartenant à l’univers étendu ayant été dé-canonisé lors du rachat par Disney. Cette même logique s’applique à Dragon Quest. Ce qui compose le « canon » est encore flou, et le sera tant que SQ ne statufiera pas à ce sujet.
En attendant, et uniquement à titre personnel, le canon de DQ s’ouvre, grâce à ce 46 Okunen. Horii a beau avoir créé la licence, celle-ci a pu s’ouvrir à d’autres œuvres et interprétations dépassant le Maître, tout comme l’univers de Star Wars a fini par dépasser la vision de Lucas, Conan celui de Howard etc.
Très intéressant, encore une fois !
Je pense qu'il est intéressant de noter la différence entre référence et véritable inclusion dans la canonicité, univers prouvé et théories. Je vrais reprendre les exemples de Zelda et Star Wars qui me semblent tout à fait adaptés. Le cas de 46 Okunen ressemble bien plus à une référence qu'à de véritable inclusion dans l'univers, tout comme c'est le cas des très nombreuses références à d'autres jeux Nintendo dans les jeux Zelda : des références indirectes comme Talon, Malon et Ingo qui sont des références à Mario, Peach et Luigi, ou encore les références directes comme une énorme partie des personnages de Link's Awakening. Ce dernier cas étant particulièrement intéressant puisque le jeu pourrait même servir d'extension à l'histoire et à la canonicité d'autres oeuvres comme Kaeru no Tame ni Kane wa Naru dont le destin d'un personnage pourrait être expliqué dans le jeu. Et pourtant même dans ce dernier cas, cela semble plus être une référence, un clin-d'oeil des scénaristes qu'autre chose, puisqu'en effet aucun des noms derrière Kaeru n'est présent derrière Link's Awakening ( sauf un compositeur ).
Dans certain Final Fantasy on peut retrouver une épée similaire à l'épée de Roto, est-ce une inclusion du canon ou une référence ? La réponse me semble plutôt claire.
On revient donc à cette problématique des noms : faut-il l'aval de l'auteur original pour valider un canon ? Et bien le cas de Link's Awakening est encore intéressant, le jeu n'avait rien d'officiel au tout départ. Pareil pour le canon Legends de Star Wars, la décision sur ce qui est canon ou pas ne dépend plus de George Lucas. Et de la même manière, cela déjà un moment que Miyamoto n'est plus le maître derrière la franchise Zelda. Donc le nom semble moins important que la marque. Donc tout ce qui est estampillé à une franchise devrait faire partie d'un de ses canons (sauf indication contraire, comme les Zelda CD-i). Et justement, j'aimerais revenir sur cette formulation : "un canon".
Parce que Star Wars, comme Zelda (depuis peu) et Dragon Quest, semble posséder plusieurs canons :
Star Wars : la continuité "Disney", et le canon Legends (qui est considéré comme son canon à part et qui est toujours alimenté)
Zelda : rien de réellement indiqué mais ce ceux vers quoi on semble se diriger, le canon des anciens mythes (les jeux pré-BOTW) et le canon BOTW (en effet Nintendo semble vouloir créer un univers autour de se dernier, dans cette univers les jeux précédents ne seraient que des mythes, d'où les incohérences au niveau de la temporalité).
Et pour Dragon Quest voilà mon avis sur le canon et sur le XI. Je pense que ce dernier est un coup de génie au niveau du canon, et cela ne m'étonnerait pas qu'ils se soient inspiré de Zelda pour ça. Si on regarde attentivement, ce dernier est constitué à la fois comme un Skyward Sword, un Ocarina Of Time et un Breath Of The Wild ( soit les 3 points les plus importants du/des canon-s Zelda finalement ). On nous raconte à la fois "un point d'origine supposé de la légende" (qui semble d'ailleurs la deuxième origine tout comme dans Zelda, avec Erdwin dans DQ et "le premier héros" dans Zelda), une possible "division de la timeline", et également la possibilité de réadapter le canon comme étant des mythes ( avec la scène dans le livre à la fin du XI ).
Sans vraiment savoir où je voulais en venir avec tout ça, j'aimerais quand même dire que je trouve ça intéressant que tu apportes toujours des choses à l'interprétation du canon. De mon côté, j'ai pas mis de côté ce que j'ai prévu pour construire l'interprétation la plus solide du canon, cependant pour ça je dois rattraper certaines de mes lacunes en DQ et avec mes études à côté, je n'ai pas eu beaucoup de temps à consacrer à tout ça. Mais avec la fin d'année je devrais avoir plus de temps. D'ailleurs j'espère vraiment la sortie de DQ X Offline en Occident (au moins dans une partie Anglophone du monde) pour enfin avoir un accès à toute cette partie manquante du lore.
Ça, la ligne séparant l'inclusion à un canon d'un simple cameo, c'est toujours un sacré casse-tête !
Si des affiches de Kirby dans Mario et Luigi sont présentent, rien ne permet d'affirmer que Kirby existe en tant que personnage à part entière dans l'univers des plombiers en effet. Idem pour Samus dans Mario RPG etc.
Cette autre théorie (du 'Nintendoverse') repose bien souvent sur plusieurs éléments considérés comme des clins d'œil (des sources d'électricité dans Splatoon à l'apparence similaire des poulpes dans Mario à celle des personnages dans Splatoon) qui ne viennent pas contredire le lore des autres jeux.
C'est dans cette catégorie, à mes yeux uniquement évidemment !, que 46 Okunen Monogatari tombe. Le jeu se basant sur l'évolution de la vie, et possédant donc un lore sur plusieurs millions (voir plus) d'années, il pourrait se passer bien avant n'importe quel jeu que cela ne contredirait pas les lore propres à ceux-là. En revanche les nombreux cameo, peuvent aiguiller ou en tout cas donner une saveur particulière, à cette aventure et la faire se placer dans une certaine continuité flou avec DQ. ^^
Je ne dirais jamais avec certitude que le jeu est canon avec DQ (ces derniers jeux n'ayant, je pense bien, jamais fait de référence directe à 46 Okunen Monogatari de son côté), simplement qu'à titre personnel, j'aime y voir une connexion possible. :D
Quoiqu'il en soit merci pour le message et bon rattrapage des jeux qu'il te reste à faire. ;)